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« Les élites, cet épouvantail politique flou et dangereux » par Guy MALHERBE, ancien député de l’Essonne

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Le conflit présumé entre les « élites » et le peuple revient sans cesse dans les commentaires, élections après élections, comme si, à chaque fois, le corps social qui passe dans les urnes, était inexorablement, divisé en deux groupes inégaux : une minorité composée des dominants, qui prétendrait dicter les normes de ce qui est « juste », et une majorité, condamnée à subir les prescriptions économiques ou morales, de ces fameuses « élites » et sans pouvoir réagir. Aujourd’hui, les politologues et les médias s’accrochent à ce concept, érigé en véritable facteur explicatif des tensions qui fracture la société. Mais que signifie-t-il ?


Les partis politiques et leurs élus même pour ceux qui disent représenter le « vrai » peuple seraient ils les seuls à composer ces dominants, ses « élites » qui imposent des normes « justes » à une minorité. Non, les « élites » politiques ne doivent pas jouer le rôle d’épouvantail car ce concept flou rassemble de nombreux autres dominants qui imposent leurs prescriptions et dont la connexion au « vrai » peuple interroge beaucoup !!


Aujourd’hui, un artiste, un comédien, un chanteur, un sportif, surtout s’ils sont engagés dans une œuvre humanitaire ou caritative, un journaliste, un media, une personnalité, un scientifique, un dirigeant d’entreprise peut avoir autant d’influence sur la vie et le comportement des gens qu’un politique. Et, il ne faut pas oublier les réseaux sociaux qui fabriquent de très nombreuses « élites », chacune, détenant, bien évidemment, la vérité, au point, parfois, et souvent, d’insulter, celui ou celle qui ne partage pas son opinion. Toutes ces « élites » sont-elles bien connectées au « vrai » peuple ? Ne pourraient-elles pas figurer dans le dictionnaire des idées reçues ? Et pourtant, toutes ces « élites » sont des dominants qui dictent des normes de ce qui est « juste « à une minorité qui suit très souvent leurs prescriptions morales, politiques et économiques comme s’il s’agissait d’une divine parole prononcée par des « oracles » envers le « vrai » peuple qui se sent dominé.


Pour tous ces dominés appartenant au « vrai » peuple, est-il possible et quel est le plus sûr moyen d’entrer dans cette caste bénie des « élites »? Que faut-il posséder ?

Le capital économique avec les capitaines d’industrie et les dirigeants d’entreprises ; le capital culturel avec les artistes, comédiens, chanteurs ; le capital social avec les syndicalistes, les bénévoles des associations humanitaires et caritatives, et les dirigeants d’organismes de bienfaisance; le capital écologique avec les scientifiques et les ONG ; le capital médiatique avec les médias et les journalistes; le capital popularité avec les sportifs et ses grands sportifs internationaux médiatisés; le capital de la popularité encore pour une personne adoubée par une forte présence médiatique récurrente, le capital politique avec les partis politiques et leurs élus même pour ceux qui disent représenter le peuple, ou encore franchir une frontière salariale, mais à quel niveau ?

Peut-on réellement réunir sous ce terme d’« élites » tous ces dominants , cette énumération montre la dimension confuse d’une étiquette qui n’explique rien. Il n’y a rien de commun entre les élites économiques, culturelles, sociales, médiatiques, sportives dont l’influence sur la vie quotidienne, des gens est importante bien que différentes dans sa nature et pourtant que connaissent-ils de la vie du « vrai » peuple.

Ne faudrait-il pas, dès lors, renoncer à ce concept aussi flou qui n’envisage les « élites » que dans leur rituelle connexion ou déconnexion du « vrai » peuple? Et le « vrai » peuple c’est quoi et qui ? Les gens des villes, les gens des champs ? Les intellectuels, les manuels ? Les gens qui se lèvent tôt ou ceux qui se lèvent plus tard ? Les gens qui possèdent un bien ou les gens qui ne possèdent rien ?


En fait, la critique des « élites » a été substituée et imposée par des dominants, les politologues et les médias, à la vieille lutte des classes et se faisant il a été fourni un carburant de longue durée aux populismes extrêmes de droite et de gauche, toujours prompts à construire de nouveaux ennemis qui leur serviront à alimenter leur propagandes respectives en incluant leur haine de l’establishment comme dans les années 1930. C’est ainsi que dans le classement des « personnalités préférées des français » de 2024 qui vient d’être publié, les 9 premières places sont attribuées à des chanteurs, artistes, sportifs et un astronaute et les places 10 et 11 à deux personnalités politiques représentant l’extrême droite sur l’échiquier politique, toutes les autres places jusqu’à la 50ème sont exclusivement occupées par des représentants du monde de la culture et des sports. Toutes ces « personnalités préférées des français » connaissent elles la « vraie » vie du « vrai « peuple pour certaines oui, qui en sont issues, mais pas pour toutes.

Ne faudrait-il pas revenir à la vieille lutte des classes opposant le capitaine d’industrie, le bourgeois et le prolétaire, le rentier et le travailleur, le riche et le pauvre, Des frontières sociales et économiques plus nettes et claires pour tous qui avaient une traduction politique entre la gauche et la droite, même si la gauche avait ses bourgeois et la droite ses salariés avec l’apparition des classes moyennes depuis les années 60. Ne conviendrait-il pas de revenir à la confrontation des classes, à la confrontation de la gauche et de la droite.


Ce pourrait être une solution, mais l’histoire a pris un tournant. Les récits d’antan s’effondrent. Dans un monde inondé d’informations qui proviennent d’horizons multiples et très divers, comme l’a montré cette analyse, et qui soumettent notre conduite et notre morale personnelle à des pressions sans précédent, le pouvoir appartient et appartiendra demain, à la clarté. Dans ce monde qui échappe au contrôle de l’homme au moment où les révolutions jumelles des technologies de l’information et de la biotechnologie nous lancent les plus grands défis auxquels notre espèce et nos démocraties n’ont jamais été confrontées, c’est la responsabilité des nouvelles générations de donner rapidement du sens à leur vie et de répondre à ces interrogations.

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